L'art du temps


Un fou rire. Comme un feu d'artifice. Surprenant, détonant, explosif.
Il y avait bien longtemps qu'Hélène n'avait pas ri. A ce point qu'elle avait même failli oublier les sensations, les larmes qui coulent, les maux de ventre et la mâchoire qui se fige.
Goûter à cette expérience primitive, embrasser quelques secondes l'insolence et la vérité de l'enfance, oublier la gravité du monde, voilà qui lui avait presque redonné vie.
Immersion totale dans le présent, sans calcul ni hystérie.
Toucher le fondement de son être, les recoins oubliés, retrouver un trésor :  ça n'était pas une quête, ce fut juste le cadeau que lui fit la vie à cet instant précis.
Alors, en sortant de chez elle pour se rendre à l'hôpital, elle se sentit moins lourde, bien plus ouverte à la vie dans son essence même.
Elle avait embrassé le monde de la vie, le vrai, l'authentique et elle était bien décidée à souffler ce bonheur aux oreilles de sa grand-mère malade.
C'est ce qu'elle fit. Et le monstre Alzheimer se tut quelques secondes: dans le regard de mamie Paule, l'étincelle se produisit.
Hélène lui prit la main et la lui serra un peu plus fort que d'habitude. Dehors, il pleuvait à torrent, le vent jouait la symphonie pour des oiseaux que l'automne avait fait fuir et la nuit avançait à petit pas.
Rien ne serait grave. Plus jamais.



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