La nuit est tombée doucement et a arrosé le sol de ce chemin de campagne infini.
Le rideau s'est refermé et le silence a hurlé jusque dans les coins sombres de la maison.
Je suis là, immobile, au centre d'une pièce immensément vide. Une pièce plongée elle aussi dans la nuit de l'hiver.
La maison, la pièce et moi, toutes les trois envahies, englouties par la nuit. C'est l'empire du rien.
J'ai le néant au bout des doigts. Je reste là, le regard transporté par cette lumière noire absolument inouïe.
Je m'assieds et je contemple le spectacle. Je suis la seule invitée, au premier rang d'une représentation unique. Je m'oublie totalement, jusqu'à ce que j'aperçoive au loin, à travers le mur épais, une lumière lunaire et bleutée. Une lumière jamais rencontrée auparavant, douce, reposante, tellement reposante que je lui envoie un baiser.
Visiblement, l'acte deux se joue plus loin. Alors je me lève, traverse le mur et emprunte le chemin lavé par la pluie.
Je marche avec légèreté, je vole presque.
Et puis au loin, sur l'écran géant de l'horizon, une ombre apparait.
C'est une femme. Elle danse avec la grâce d'une ballerine, perchée sur d'immenses jambes que je devine sous une cape. Une cape qui vole au vent, dessinant des courbes légères et dentelées. Elle est belle, d'une beauté polaire qui suffit à sublimer cet instant. L'ombre danse et l'écran sur lequel elle imprime ses pas me fascine.
A l'intérieur de moi se mélangent terreur et fascination. Au loin, j'entends son rire moqueur, cruel. Je sais qu'elle m'a vue.
Je sais aussi qu'elle possède toute la connaissance, qu'elle a tout vécu, tout ressenti, tout imaginé, tout espéré. Je sais qu'elle n'ignore rien de la vie, de ses revers et de ses emportements.
Et elle danse, bien plus grande que la lune et l'horizon.
Elle est la vie même, dansant sous mes yeux. Bouleversante. Percutante. Sublimement folle.
La danse a duré une éternité, je ne me suis pas posé de questions.
J'ai habité le spectacle jusqu'à le ressentir au plus profond de mes entrailles.
Et puis elle s'est arrêtée. Une voiture venue de je-ne-sais-où s'est approchée. Une voiture sans conducteur qui l'a emportée. Ailleurs.
Et moi, j'ai continué ma route, marchant les pieds nus dans sa direction.
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