Et si...


En cette fin de journée, le silence hurlait fort sur le quai de la gare désert. Le dernier train était parti, les derniers voyageurs avaient disparu. Ils étaient nombreux à être descendus au terminus, à courir dans tous les sens cherchant leur porte de sortie, un chemin à prendre vers leurs minutes à venir.

Sur le quai, se trouvait un homme. Pas jeune, pas vieux, debout et semblant être perdu. Cet homme pouvait choisir lui aussi le chemin à prendre, comme tous ces voyageurs avant lui. Il regardait partout, cherchant quoi faire. Mais il était totalement perdu. Pas une question d’orientation, mais le chemin de sa carrière devenait de plus en plus infréquentable. Il avait de plus en plus de mal à avancer, à s'imaginer ce qu'il y avait au bout de ce chemin. Il avait bien sa petite idée, mais plus il avançait, plus il doutait. Rien ne ressembler à ce qu'il avait pu imaginer, et son enthousiasme n'était plus le même. Sur le quai, il se tenait debout, et il y resta quelques longues minutes au milieu de tant de doutes.

Après une longue réflexion il reprenait sa marche le long du quai, et toujours ce même manège dans ses pensées, cette même quête du pourquoi, du "où va-t'on", du comment, avec trop de "et si ?" et toujours ces doutes parce que ce chemin n'est pas assez bien, pas assez beau, parce qu’il y en aura un plus-que-parfait, là-bas, plus loin quelque part…. Et l’homme parcourait la gare vide avant d'en sortir. Le soleil accompagné ses pas jusqu’à venir caresser l'horizon, la ville sentait l'odeur d'une nuit d'hiver. À chaque enjambée qui parcouraient un peu plus les rues, l’homme avançait de quelques pas vers ce chemin peuplé de doutes et de questions, ces zones froides ou ne fleurissent que des rêves hors de porter. Il n’y avait plus de place au hasard, plus de choix, pas même une volonté minime, rien. Alors l’homme tomba par terre, regarda le ciel noir à peine étoilé et se mit à pleurer tandis que quelques étrangers passaient à ses côtés sans même se soucier de lui.

C’est ainsi que passe nos vies, on marche tous sur un quai de gare à la recherche de nos chemins, ces destinations qui avec leurs rêves viennent nous accueillir, nous rassurer, des choix avec lesquels on peut avancer, et qu’à vouloir trop rêver, on finit par se réveiller, par réaliser qu'on arrive au moment ou le temps est venu de faire demi-tour, en se disant que sur le chemin de la vie, on en trouvera d’autres, peut-être mieux, plus en phases avec nos envies, moins compliqués, d'autres règles, une autre quête, celle du parfait, celle de l’impossible. Puis un soir, le soleil se couche sur notre vie, l’océan de regrets est venu recouvrir nos projets du passé tandis qu’on ne tombe pas forcément seul, mais épuisé. Dans ce jour qui s’achève, dans cette lumière qui disparaît, on songe alors avec raisons à nos pas accomplis tout au long du chemin, ces pas pris pour de belles lueurs, mais devenues trop pâles avec le temps.

Cet homme, fatigué par son travail, n'a jamais su vraiment si ces yeux étaient trop fermés pour avancer, mais il se jura de tenter son demi-tour même si le quai de la gare si grand d'apparence avait une marge de manœuvre restreinte. Subir ou prendre un risque aveuglement, la perspective de vivre comme il le souhaitait ne lui faisait pas peur. Le temps était venu...





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