Arbres dénudés, ciel bleu pâle, chemin de terre.
Clôtures rouillées, usées par des dizaines d'hivers et caressées par le vent du Nord.
Si l'oeil se laisse porter, tout en haut à droite dans le dernier tiers supérieur du cliché, il découvrira l'arrière d'une 4L bleu ciel.
Ils se sont avancés, précédés de leur ombre dessinant deux silhouettes noires sur le sol.
L'homme, penché vers l'avant, semble attiré par quelque chose. Dans sa main gauche, il tient l'herbe sauvage. Vêtu d'un pantalon beige à pattes d'éléphant, d'un pull à carreaux blancs et marron orné d'un col de chemise blanc, il n'a pas hésité une seule seconde ce matin à enfiler les chaussures de cuir assorties. La tenue est parfaitement accordée à la 4L, les années 70 pétillent timidement mais sûrement.
La petite fille, elle, a la tenue de circonstance: bonnet blanc tricoté main, manteau rouge et bottes en caoutchouc. Le grand sac du supermarché semble avoir été soigneusement sélectionné: il ne détonne pas ; ROUGE et BLANC comme l'ensemble du costume de la petite campagnarde.
Il est temps de fermer les yeux, d'aller puiser au fond de moi les souvenirs infinis et la tendresse que cette scène m'évoque.
La description froide, objective de cette photographie pourrait tuer, démolir, anéantir l'émotion que j'éprouve lorsque je la regarde avec les yeux du coeur.
J'ai été un jour cette petite fille d'un demi-mètre. Une petite fille avide de découvertes et d'explorations en tous genres.
Mon papa, protecteur et aimant, a été cet homme jeune, trentenaire et affectueux.
Le passé prend l'allure d'une scène de cinéma dont j'aurais le rôle principal. Une scène que j'aurais joué sans la jouer. Une scène de vie vécue simplement.
Perchée sur mon présent de presque-femme qui se cherche, je me laisse transporter dans ce passé-cadeau qui me rassure et me donne de la force.
Les pissenlits n'étaient qu'un prétexte, ils sont pourtant une quête qui fut partagée par deux êtres liés par et pour la vie.
J'imagine qu'ils ont du reprendre la route, rejoindre maman, lui raconter l'histoire avec mille et un détails aujourd'hui foudroyés par l'oubli.
La photographie porte un sens, prolonge l'enfance et transcende l'avenir.
Elle est un talisman, un porte-bonheur ... C'est l'instantané d'un après-midi de printemps. Un printemps parmi d'autres peut-être, mais celui-là me fait aimer l'enfance qui fut la mienne.
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