Paris. Métro ligne 4. Un dimanche de mars presqu'ordinaire. Les corps s'amassent dans l'espace restreint des rames, alors les plus pressés n'hésitent pas à jouer des coudes pour s'imposer et entrer dans la boîte. Quelques conversations perçues parmi le tumulte ambiant me rappellent que l'humain a encore ses droits.
Il est pourtant très facile ici de basculer dans un ordre des choses où l'on oublierait trop vite qu'à peu près cinq cents coeurs battent en même temps pour la vie. On finirait par penser que l'inhumanité est la dernière mode, que les casques et les claviers ont raison de tout, même de nos plus grandes émotions.
Un couple de cinquantenaires rejoint le convoi, du buis à la main. Un petit garçon tient fermement la main de son père pour ne pas tomber au prochain freinage de l'engin souterrain.
J'ai le corps fatigué, usé presque.
Je ne suis plus vraiment habituée à cette foule, à cette course insensée dans les couloirs labyrinthiques. Je n'ai plus vraiment la force d’accélérer le pas. Je suis un pantin désarticulé qui gêne la course obligatoire des habitants de cette fourmilière inhospitalière.
Une place se libère.
Cette fois, je revendique mon droit au repos. Assez d'être polie, généreuse et soucieuse des autres: ici on n'a pas le temps pour ça. Assise enfin, je prends le temps d'observer les visages qui m'entourent.
Un homme d'une soixantaine d'années me fait face. Mon regard se pose immédiatement sur un reste de moustache si jaune que le gris du décor en devient bien moins glauque.
C'est indéniable. Cet homme a mangé des fleurs de pissenlits. Et le tunnel de béton se transforme en jardin.
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