Et si vous dansiez ?

C'est une histoire de meubles et de danse. 

L'histoire d'un homme, d'une femme, d'un jardin et de verres de whisky. 

C'est un jardin sans légumes ni pommier. Pas de terrasse ou de transat. Pas une fleur. 

Sur l'herbe sont posés au hasard de vieux meubles. Il y a bien longtemps qu'ils ne servent plus. 

Inutiles et hors d'usage, jusqu'à ce que deux jeunes amoureux descendus d'une voiture leur réinventent une histoire. 

C'est un jardin qui fait pousser les rêves: Elle et Lui sous le même toit et des meubles pour contenir tous les possibles de leurs existences en construction. 

Elle est tout de suite attirée par le lit. Lui, c'est la télévision. 

Elle veut l'essayer là, tout de suite. L'essayer vraiment.

Il se laisse apprivoiser, s'étale sur le matelas. Elle l'attire, l'embrasse et suggère une étreinte sans feinte. Lui n'est pas prêt à cette folie là. Il se lève soudainement et l'abandonne là, seule avec son désir au milieu du jardin. 

Le maître des lieux apparaît. C'est un homme au corps sculpté par une vie rude et épuisante. Des cicatrices inondent son visage tapissé d'une barbe naissante.Il porte un vieux manteau et de grosses chaussures pleines de terre. Son pas est lourd mais assuré. Il est allé acheter de quoi tenir encore le coup : de la bière et du whisky. 

Il découvre la jeune femme étendue sur le lit. L'air de rien, ça le bouleverse. Elle a le regard perdu, injecté de solitude. Son ami est debout et l'interpelle:

"Vous en voulez combien pour ce lit ? et pour la télévision ? "

Au milieu du jardin, on discute dollars mais ça ne fait aucun sens. Il propose un verre de whisky. Elle accepte de le boire avec de l'eau. 

La voilà revenue à la vie. 

Alors l'homme les invite à danser. Ici et maintenant. Trop de désespoir. 

Il acceptent de jouer cette scène dont ils ignorent le sens. Il les observe en silence, le verre à la main.

Puis il se lève et interrompt cette comédie.Il attire la jeune femme contre lui. Le rideau tombe et l'incandescence des émotions fait alors tout le reste: elle se blottit contre lui, effleurant délicieusement sa joue d'homme mûr. La voilà bouleversée à son tour, l'amplitude de ses émotions l'emporte dans un un ailleurs dont elle ignore encore tout. 

C'est un hymne au présent et à l'ivresse. Un hymne sublime comme lorsqu'on s'abandonne au cours des choses et du monde. Un lâcher-prise en musique dans un écrin de verdure aménagé en théâtre. 

Il n'y aura rien à comprendre de tout cela. D'ailleurs, lorsqu'elle y repensera, des années plus tard, ne lui viendront pas des mots. Juste quelques frissons témoins d'un instant de vie extraordinairement fort et vrai.