Le temps qui passe

Nous recouvrons nos murs de liste de courses à faire, de factures à payer, nous surchargeons nos congélateurs, nous remplissons nos frigos pour le week-end. Nous achetons le programme télé. Pour savoir si Christophe Dechavanne sera à l'antenne samedi soir, comme pour nous empêcher de tourner en rond. C'est terriblement divertissant. Ah non, samedi, il y a le feu d'artifice. Comme chaque année nous irons, même si nous râlons contre tous ces touristes. Nous nous levons très tôt le matin dans la semaine, nous travaillons très dur jusqu'au week-end. Nous repassons, nous faisons des machines à laver. C'est le samedi. C'est le jour du ménage. Toujours. C'est quand même important, nous le faisons même si nous râlons contre ces tâches ménagères qui nous gâchent des moments sûrement plus agréable. Et le dimanche, c'est le jour des frites et du poulet. Nous n'allons pas nous prendre la tête. Car après, il y a Michel Drucker à la télé. Il est gentil. Il nous amuse. Et puis il n'y a rien d'autre à faire. Enfin, quand il n'y a pas de repas de famille, de fête à fêter. Sinon nous y allons, même si nous râlons contre des membres de la famille que nous n'aimons pas. Nous n'oublions pas tout ces papiers, qui nous rappellent ce que l'on doit faire impérativement. C'est urgent. Il faut le faire. Nous irons vivre plus tard. Les priorités sont les priorités. Car la semaine arrive vite. Demain, c'est lundi. Il faudra se lever tôt pour aller gagner de quoi payer nos crédits. Le soir, nous n'aurons pas le temps, car il faut se coucher tôt. Fatigués, exténués de courir dans tous les sens. Au moins après la série policière que l'on regarde parce que dans le journal télé, ils disent que c'est l'évènement à ne pas manquer. Bon, c'est nul, mais nous aurons un sujet de discussion au bureau. Mais d'abord, on doit aller voir mamie à la maison de retraite. Elle qui semble être là pour nous rappeler que nous sommes en manque de vie. Elle qui à travailler toute sa vie dans une usine parce qu'elle n'avait rien appris d'autre. Elle, qui sur son lit post-mortuaire ne cesse de rêver qu'elle, aurait pu avoir une vie faite de passions. Un minimum. Pour prendre le temps de sourire à quelque chose. Pour ne pas à avoir à le regretter maintenant. Le "trop tard" fait terriblement mal.
Et si au fond, elle ne faisait que nous duper ? Parce que, honnêtement, nous n'avons peut-être rien de bien passionnant à faire de nos journées, mais bon sang, qu'est-ce qu'on ne voit pas le temps passé !