Puisque tu pars


Qu'y a t-il à gagner à être authentique ?
La question était inscrite sur une feuille de papier froissé. Les lettres étaient mal formées, l'écriture maladroite.
C'est pourtant à cet endroit précis que mes yeux se posèrent lorsque j'entrai dans la grande pièce.
Le silence avait pris possession des lieux. Je restai immobile, le temps d'observer, de tenter de mettre un peu de sens dans ce fatras de meubles et d'objets. Mon coeur s'était mis à battre très fort, je percevais le drame, je ressentais la tragédie.
Je fis quelques pas pour aller m'asseoir sur le bord du vieux canapé qui avait échappé au combat. Je fermais les yeux quelques instants, histoire de survivre à cette déferlante d'émotions.
Quand j'ouvris les yeux à nouveau, je découvris les livres déchirés, les photos arrachées, le vase que maman lui avait offert brisé. Je vis aussi les larmes, j'entendis les cris noyés de sanglots, je ressentis même l'accablement.
J'étais là, spectateur inutile d'une scène achevée, applaudissements non compris.
J'avais mal, mais cette souffrance, je le savais, était stérile. Rien ne changerait désormais. Il était parti et je savais qu'il ne reviendrait pas.
Il était parti puisque personne ne semblait vouloir le comprendre. Il nous laissait là avec nos idées étroites, nos jugements hâtifs et nos avis bien tranchés. Seuls en compagnie de nos cerveaux englués de préjugés.
Sur la chaise, son pull de laine beige. Je le saisis avec émotion et posai ma tête sur le col à la recherche d'une infime présence.
Un flot de souvenirs submergea ma mémoire : les vacances à Pourville en Normandie, notre virée au concert des Stones à Paris, notre enfance à Brest, nos émois d'adolescents.
J'allais vivre désormais avec ces souvenirs, ignorant où il avait décidé de poursuivre sa vie. Voila les nouvelles règles du jeu auxquelles mon existence serait désormais soumise.
C'était le prix à payer pour notre indifférence.




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