Ca a fait boum ! Et la porcelaine de sa tasse de café s'est brisée sur le sol : il a suffit d'un geste maladroit, trop brusque, pour que le petit déjeuner se retrouve un mètre plus bas ... La journée est déjà lourde à porter, lourde à ressentir ... Envie de rien, besoin de tout, ne rêver de rien, désespérer de tout ... Une journée qui commence comme les autres, dans la grisaille de ce mois de janvier . Une nouvelle année s'affiche sur le calendrier et pourtant rien ne change ... Toujours ce poids au milieu de la poitrine, cette nausée perpétuelle du monde.
La vie lui offre pourtant quelques respirations, mais quand même, se mouvoir sur cette planète est difficile ... Et quand sa propre vie tourne rond, c'est celle des autres qui trébuche ... et à ça il ne peut être indifférent ...
Les idées se bousculent dans sa tête à une vitesse folle, il cherche à quoi se raccrocher dans cette petite vie: ses amis (il en a assez pour occuper les doigts d'une main), son chien (qui ne l'a jamais laissé tomber (toujours prêt à l'embarquer pour une promenade dans le quartier), ses livres ( ils lui tiennent compagnie sur la petite étagère tout près de son lit), sa musique (c'est sa drogue) ... Je ne suis pas seul, se répète t'il des centaines de fois, je suis en bonne santé, mais je ne sais pas pourquoi tout est si lourd à porter ...
Il est déjà 8 heures du matin, il faut se décider à sortir, il faut se fondre dans la foule, marcher jusqu'à la station de métro, se laisser porter sur la ligne 4 les yeux dans le vague ... noyé dans son intériorité ... Il se fait bousculer des dizaines de fois, il croise des centaines de regards vides ... C'est quoi cette vie de fous ? Après quoi courons-nous ? Encore une journée au collège, à essuyer des insultes, à tenter de faire briller les yeux de ces ados en leur faisant partager la lecture de Nietzsche ... peut-être en vain ... Mais lui, il y croit ... Il croit au pouvoir de la pensée, à la force des mots ... C'est en celà qu'il croit ... Mais il se sent parfois tellement seul dans ce monde matérialiste, dans ce monde d'apparences, dans ce monde où les gens se consomment comme des sacs de pomme de terre ... : on se prend, on se jette ... on passe à autre chose ...
Lui, il ne sait pas zapper si facilement ... parce que, losqu'il aime, il aime de toutes ses tripes, il aime d'un amour entier, il se donne sans compter ... et il est prêt à en payer le prix fort ... Il a d'ailleurs déjà donné ... Des amitiés décues, des amours de pacotille ... Mais il veut encore y croire ... parce que sinon à quoi bon ?????
A la sortie des cours, il décide cette fois de ne pas rentrer directement chez lui ... La fatigue, la lassitude, le quotidien, la pluie, les préparations qui l'attendent tout ça lui pèse, mais il veut retarder ce moment où il se retrouvera face à tous ces ennemis ... Alors il marche, il mène un combat sans merci contre la grisaille de ses pensées ... Parce qu'après tout, c'est avec ses yeux et son coeur qu'il voit le monde ... il suffit peut-être de nettoyer un peu ces objectifs pour y voir plus clair ...
Il marche, il marche, il marche, s'engouffre dans des rues dont il ne connaît pas l'issue, il marche jusqu'à en avoir mal au coeur ... Il est vide ... Sa vie lui semble déserte ... Il a mal ... Il ne veut plus de tout ça ... Il ne veut plus vivre à moitié ... Ce n'est pas de cette vie là qu'il veut ... Mais que veut-il au juste ? ETRE AIME POUR CE QU IL EST ... SE SENTIR EXISTER ... EXPLOSER DE VIE DANS CETTE PUTAIN D EXISTENCE ....
Il sait ce qu'il veut, il ne lui reste plus qu'à croiser LE regard qui saura le reconnaître, sans le masque qu'il aura porté pendant 35 ans ... Et ce regard se tient là, un peu plus loin, dans cette petite ruelle innondée par la pluie qui n'a pas cessé de tomber ... Ce regard, il a la sensation de l'avoir attendu toute sa vie, ce regard est à quelques mètres de lui et déjà son coeur s'emballe, s'ouvre, se dilate ... Il se sent terriblement et follement vivant ...
Quelques pas plus loin, il se retrouve face à cette femme qu'il a la sensation d'avoir toujours connue ... Aucun mot ne vient briser cet instant d'éternité ... Deux âmes viennent de se rencontrer ... Deux vies vont se remplir d'amour ou d'amitié ... Peu importe, dans les deux cas il s'agit d'aimer avec la force et la conviction que rien ne vaut ça ...
Le temps vient de se suspendre, à l'horloge de leur coeur il sera toujours 18 heures ...
Encore un très beau texte, plein d'émotion. J'en ai presque les larmes aux yeux...
RépondreSupprimer"... Peu importe, dans les deux cas il s'agit d'aimer avec la force et la conviction que rien ne vaut ça ..."
RépondreSupprimerEt toc !